lundi 13 février 2006

Fuck the Flak !


Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une adulation sans faille pour les flaques d’eau surprises dans le salon.

Elle apparaissent la nuit, dans l’anonymat général, sans trompette ni fanfare, et sont découvertes généralement au réveil suscitant consternation, stupeur et effroi.

On s’y regroupe autour en famille, les plus courageux iront jusqu’à la tâter d’un doigt inquisiteur afin d’en prendre la température ou la texture. Les précautions d’usage sont universelles et tombent comme un couperet à l’égard de tout individu ignorant la présence de cette flaque : « MARCHE PAS LA ! C EST MOUILLE !! ». Phrase suivie d’un geste de bras, comme pour protéger la flaque et non le marcheur. Marcheur qui pourrait vite se transformer en glisseur si rien n’était fait très rapidement (sécuriser la zone notamment).

A cela s’ajoute la responsabilité du découvreur de la dite flaque. Il est censé trouvé la source, l’origine, et effacer toute preuve et conséquence de cette foutue flaque. Si bien qu’au réveil des autres occupants de la maison, la flaque devra être totalement résorbée. Un vilain souvenir qui fera le sujet principal de conversation au petit déjeuner.

On s’interrogera, on posera moult questions, chacun y allant de sa théorie personnelle pour justifier la présence de cette putain de flaque d’eau au milieu du salon. Le découvreur de la flaque, tel un Christophe Colomb en pyjama, racontera en détail sa découverte, alliant finesse, humour et stupeur dans un récit fantasque dont tout la tablée se délectera. Si la flaque a provoquée une chute (mortelle ou non), la flaque se transforme vite en ennemie. On cherchera et on trouvera le responsable de cette flaque afin qu’il pourrisse en prison jusqu’à sa mort.

Pour rendre littéralement dingue une maîtresse de maison, créez chaque nuit une flaque à divers endroits de la maison. Tantôt dans le salon, tantôt dans une chambre ou dans le couloir. Répétez le phénomène durant trois mois chaque nuit. Internement garanti !

Le réflexe qu’a toute personne découvrant une flaque dans le salon : regarder au plafond. Un réflexe stupide (comme tous les réflexes d’ailleurs, les réflexes c’est tous des gros cons d’façon) mais terriblement drôle ou honteux lorsqu’on vous surprend à regarder le plafond. Et plus la flaque est étendue et vaste, plus le fait de regarder au plafond frise le ridicule (je conseille vivement aux futurs découvreurs de flaque de regarder le plafond le plus discrètement possible, d’attendre qu’il soit seul ou qu’une autre personne regarde à son tour le plafond pour se permettre de le fixer). Bizarrement, dans pareille situation, personne ne pense à regarder les murs, murs qui pourraient, avec un jet digne d’un geyser, créé de bien belles flaques si peut qu’ils s’appliquent.

La flaque devient vicieuse si sa surface reste isolée, séparée de tout meuble, tapis ou pot de fleur. Elle devient surnaturelle si vous vivez dans une zone aride et sans eau courante. Sa source devient alors indétectable et peut rapidement rendre fou le plus sain des Hommes. Si la flaque est en forme de triangle rectangle, là, c’est plus grave que je ne pensais. Généralement la flaque d’eau n’a que peu d’imagination au niveau des formes. Elle se contente d’imiter grossièrement le contour du continent Africain qui est, comme tout le monde le sait, l’Enfer pour toute flaque d’eau qui se respecte.

La flaque d’eau possède ce don inné d’avoir un nom qui évoque son bruit. FLAK, c’est le bruit du jeune pied d’enfant botté qui saute avec entrain dans les flaques. FLAK suivi d’un « putainnn de merde » c’est le doux son que fait le jeune fêtard rentrant aviné et titubant d’une surprise-party au petit matin dont le pied plonge malencontreusement dans une merdasse sans nom.

Sans mauvais jeu de mots, la flaque vous plonge directement dans la réalité. Et il n’est pas innocent si la flaque s’attaque principalement à la voûte plantaire, source du bien-être corporel.

A contrario, il est tout à fait possible d’apprivoiser une flaque d’eau surprise. Imaginez la joie de vos convives à la découverte d’une flaque d’eau naturalisée au milieu du salon. Bougies flottantes, nénuphars et fleur de lys viendront égayer la tristesse ambiante de votre domicile. Les plus écologistes iront jusqu’à introduire une faune bigarrée sur ou dans la flaque : insectes (plus la flaque est ancienne, plus ils seront nombreux et viendront d’eux-mêmes croyez-moi !), poissons ou oiseaux migrateurs. Quelle joie d’admirer pélicans, loutres ou cormorans s’ébattre sur les berges de votre flaque alors que vos convives et vous-même dégustez un petit apéritif.






Cormoran se séchant les plumes sur les berges de la flaque de salon de Michel et Josiane Patiniet, août 1994.

L’ennemie de la flaque reste la serpillière et l’éponge, véritables Nemesis, créés pour l’éradiquer. Aidés du sopalin, ces trois éléments viendront à bout de n’importe quel flaque, mare ou étang, si peut que l’on s’y attarde.

En vous remerciant, bonsoir.

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