vendredi 24 février 2006

Un moineau dans le rayon

Les oiseaux dans les supermarchés, fléau des temps modernes, bêtes noirs des magasiniers, véritable danger volant !

Ce matin, je déambulais d’un pas ravi dans les allées de mon Cora officiel. Le temps était à la neige, le salaire fraîchement viré, tout n’était qu’appel à la consommation. Victuailles et calembredaines allaient bientôt dégueuler de mon caddie, pour mon plus grand plaisir.

Mon parcours fut entaché par le vol en rase motte d’un oiseau, un moineau pour être précis.

Attardons nous d’abord à bien connaître notre ennemi.

QUI :



Moineau Domestique de l’ordre des Passériformes, de la famille des passéridés. Nom scientifique : Passer Domesticus.

Nicheur sédentaire, migrateur et hivernant. Espèce protégée !

Connus de tous, le moineau est si commun que le passant ne daigne plus le regarder. Ce passereau fréquente le voisinage de l’homme.

Régime : Omnivore et opportuniste (c’est le moins qu’on puisse dire), il se nourrit pour l’essentiel de graines, d’insectes mais aussi de bourgeons, de fruits, ce qui le rend impopulaire auprès des jardiniers. Il ne migre pas, commensal de l’homme, son régiment alimentaire dépendant étroitement de l’homme.

A croire que ces bestioles sont apparus en même temps que les premières grandes surfaces vers la fin des années 60. Où se nourrissaient-ils avant, dans les petites épiceries du coin ? Laissez-moi rire.

COMMENT ET POURQUOI :

Il faut d’abord se demander comment les moineaux sont arrivés dans les grandes surfaces. Par une porte dérobée, attirés par les miettes ? Je n’en crois rien. Le bâtiment reste hermétique et plus que sain (des contrôles réguliers sont effectués), si ça puait la miette à dix kilomètres à la ronde, les services sanitaires ne tarderaient pas à débarquer et à fermer la boutique.

Arrivés là par hasard ? Allons voyons, cessez de me prendre pour un idiot. Pourquoi pas de moineaux chez Mondial Moquette ou Gemo hein ? Pourquoi, si leur présence n’est que le fruit du hasard, ils pourraient très bien déambuler dans les allées d’un Castorama bordel !

Je penche plutôt vers la théorie du complice. Les moineaux ont des complices prêts à tout pour les introduire à l’intérieur.

Une femme de ménage bénévole à la SPA du coin, qui laisserait un velux volontairement ouvert ? Pas impossible. Pour ma part, je tendrais plus vers l’hypothèse d’un syndicaliste revanchard et particulièrement zélé. « La CGT exige une voiture de fonction pour chacune des 137 caissières sinon je fais rentrer illicitement une flopée de moineaux domesticus, qui provoqueront peur, dégâts, et fientes à gogo. Alors, vous décidez quoi ? »

Dernière éventualité, et non des moindres : Le moineau n’est que la manifestation poujadiste d’obscurs desseins visant à renverser le grand Capitalisme en la personne de la société de consommation, directement importée des Etats-Unis. Le moineau dans la grande surface n’est donc qu’un acte politique et engagé de la part de partis extrémistes qui ont juré l’anéantissement du Dieu consommateur.

Le moineau, une fois introduit, ne sortira de son havre de paix qu’à sa mort (longévité : 13 ans). Le plus vieux moineau recensé en France : au Carrefour de Brie Comte Robert, 11 ans. Il est rentré à la création on ne sait par quel miracle. 11 ans messieurs dames, que des trappeurs essayent vainement d’attraper et de tuer ce merdeux petit volatile. Ses dégâts se chiffrent désormais en milliers de dollars tant il est vorace et destructeur. A l’heure où j’écris ces lignes, il est en train d’éventrer un paquet de BN ou grailler du pain de campagne au rayon boulangerie, qui sait…

On peut se questionner également sur le choix du moineau. Jamais un merle, un étourneau ou une pie en rayon. Tout simplement parce que c’est une petite saloperie d’opportuniste, voilà pourquoi. Un putain de profiteur juste bon à bouffer, dormir et se reproduire. Parce qu’en plus, Monsieur a des goûts de luxe. Vous ne le verrez jamais dans un hyper-discount. Pas un seul volatile chez Lidl, Eda, Aldi et autres Lidela…

Reste le problème de l’eau. En effet, si la nourriture s’étale à profusion, les points d’eau se font plus rares dans les grandes surfaces. La plupart des moineaux s’abreuvent de la glace au rayon poissonnerie (je les ai longuement observés). Supprimer la glace sous les poissons, et vous supprimez les moineaux.

LES SOLUTIONS :

Alors que faire pour éradiquer pareil fléau ?



Auchan fut la chaîne de magasins la plus prompt à réagir face à ce problème. Une tactique vicieuse et fourbe certes, mais qui à la mérite de mettre au grand jour cette situation qui n’a que trop duré. Après moult plans, ils ont décidés d’arborer depuis des années un moineau en logo. Rendez-vous compte…Les professionnels sont montés au créneau, indignés et furieux face à ce revirement provocateur.

Alors pourquoi Auchan a-t-elle choisi un vulgaire piaf comme logo ? Tout simplement pour effrayer les autres moineaux attirés par l’odeur des miettes. Il fallait y penser ! En affichant un gigantesque pioupiou sur leur devanture, ils marquent leur territoire et effrayent ainsi les volatiles les plus courageux. « Ici, c’est mon territoire, ne t’approche pas ou je te becte » semble proférer ce gigantesque moineau à la robe rouge criarde.

Hélas, même si l’idée semblait bonne, c’est l’effet inverse qui se produisit. Les moineaux des environs, surpris de voir la taille de ce congénère hors norme, se sont empressés de faire passer l’information : « putain regardez un peu la taille de celui-ci ! Ce gros tas, il doit y avoir de la bouffe à s’exploser le bide, allons-y ! »

Voilà pourquoi aujourd’hui, nous constatons une recrudescence des moineaux dans les Auchan. Tel est pris qui croyait prendre.

Alors quelles solutions ?

1/ Multiplier les pièges et la prévention. Par quels moyens ? Des sas de sécurité, avec détecteur de plumes tout simplement. Il fallait y penser.

2/ Introduire des rapaces dans les grandes surfaces, censés chasser les petits moineaux de nos rayons. Et pourquoi pas ainsi, développer des visites à thème, le dimanche par exemple, ou en semaine pour les écoles, dans les rayons. Imaginez la joie des plus jeunes admirant un vol de vautour fauve au dessus du rayon produit de beauté.

3/ Offrir des récompenses (bon d’achats notamment) à tout client susceptible d’attraper un moineau à mains nues ou par tout autre moyen envisageable : arbalète, lance flammes, catapulte…

4/ Engager de réels professionnels, rompus à ce genre de problème : fauconniers, mercenaires ou ninjas, qui, après avoir nettoyés les lieux, formeront les caissières –sur leur temps libre- afin de prévenir une toute éventuelle récidive.

Ce laxisme ambiant, cette désinvolture face à l’invasion dans nos temples de la consommation est inadmissible !

Si on ne fait rien aujourd’hui, demain plus personne ne s’inquiétera de pélican dans le rayon poissonnerie, des poules dans les rouleaux de sopalin, ou que sais-je encore…

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